PICASSO OU L’ART DU BIG BANG
Il y a cinquante ans, le 8 avril 1973, Picasso nous quittait, entré vivant dans la légende d’un siècle qu’il a su comme nul autre précéder et révéler à lui-même. « Un créateur est toujours un contemporain » écrivait Gertrude Stein à propos de Picasso : « possédant une force individuelle, il ne devance pas son époque, il la vit avant que les autres l’aient seulement prévue ».
« C’est comme un soleil dans le ventre aux mille rayons. Tout le reste n’est rien ». Ainsi parlait Picasso de cette urgence intérieure, cette pulsion créatrice qui fait pousser des ailes aux créateurs, leur faisant franchir tous les Himalaya… à l’image des « Demoiselles d’Avignon », qui ont tant défrayé la chronique et inauguré ses « big bang » à répétition où il dynamita l’un après l’autre les académismes de son temps.
« Chaque époque doit savoir élaborer l’atlas de son imaginaire afin d’établir ses repères et identifier « le roi secret » qui, au-delà des pouvoirs apparents, le régit en profondeur » écrit le sociologue Michel Maffesoli dans « Iconologies ». Avec sa force irradiante qui a inspiré des milliers de créateurs, Picasso fut sans nul doute le « roi secret » du siècle dernier (1).
Au carrefour du siècle (le XXème) et de la diffusion d’une invention majeure, la photographie, Picasso fut pourtant pris d’un doute affreux : cette technique qui reproduisait si « parfaitement » la réalité n’allait-elle pas à terme condamner son art ? Il reprit cependant ses pinceaux et se lança dans l’aventure cubiste.
S’il y avait un message à retenir de lui, ne serait-ce pas cette formidable liberté intérieure qui conduit les créateurs à d’incessantes métamorphoses ? Cette capacité à se réinventer en permanence, à se vouloir constamment « d’avant-garde » ? Les enjeux et multiples facettes de cette œuvre sans égale seront mis en lumière durant cette année de célébration internationale (2).
En ce premier quart de XXIème siècle où nous sommes soumis à tant de tsunamis technologiques, gardons-nous de désespérer. Inventer de nouveaux langages, chevaucher les dragons de l’I.A: les univers et « laboratoires » de la création ont du pain sur la planche. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » écrivait déjà Rabelais… au 16ème siècle.
Marie-Clémence Barbé-Conti, Journaliste – mcbc@presse-conseil.com (1) « Quelque chose en nous de Picasso » par Marie-Clémence Barbé-Conti : construit comme une enquête à partir de nombreux ouvrages et documents, un récit à retrouver en ligne
https://presse-conseil.com/Quelque-chose-en-nous-de-Picasso-recit.pdf
(2) « Picasso aujourd’hui » : en lien avec des historiens, historiens d’art, philosophes, sociologues, écrivains, artistes plasticiens, le musée Picasso organise un séminaire en partenariat avec Sciences Po et un colloque international à l’Unesco en décembre 2023.
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