Lorsque Claire Heitzler avait reçu en 2018 le prix Lalique des Talents du luxe, le jury avait récompensé « Une pâtisserie aérienne et délicate qui bouscule les codes ».  En cette semaine de Salon de l’Agriculture, nous avons interviewé Claire Heitzler, une cheffe patissière qui s’engage aux côtés des producteurs français. 

Pourriez-vous nous dire comment vous allez agir pour soutenir nos agriculteurs dans le quotidien de votre métier ?  

Claire Heitzler : Je suis issue du métier de la restauration, j’ai grandi dans un environnement respectueux des producteurs et des saisons. Me former auprès de chefs de cuisine tels que Michel Troisgros ou Alain Ducasse qui sont sensibles au sourcing des produits et à la valorisation des petits producteurs, m’a beaucoup inspirée pour évoluer dans cette démarche.

Je trouve qu’en pâtisserie on est un peu plus éloigné de ce mode de fonctionnement. On peut le voir au nombre de gâteaux aux fruits rouges que l’on trouve en plein hiver dans les pâtisseries.

Et c’est en travaillant avec des producteurs, en allant sur leurs exploitations pour échanger avec eux, que je recueille leurs conseils et sélectionne des produits de grande qualité.

Quel regard portez-vous sur le malaise des agriculteurs dans la société d’aujourd’hui ? 

Claire Heitzler : Ce sont des métiers difficiles et de passion, pourtant les agriculteurs qui tiennent des petites exploitations ne sont pas suffisamment récompensés à la hauteur de leurs efforts.

Résultat, nous sommes en train de perdre une partie de patrimoine agricole malgré la richesse de la biodiversité française. Je pense qu’en tant que chefs de cuisine ou pâtissiers, nous devons réagir pour que ces productions ne disparaissent pas et éviter de laisser place à des produits pilotés par ordinateur dans des serres.

Pourquoi est-ce si important pour vous d’entretenir une relation de proximité et de confiance avec vos producteurs ?

Claire Heitzler : J’ai besoin de donner un sens à mon métier. Ces nombreux échanges avec les producteurs sont, non seulement, une source d’inspiration pour mes créations, mais aussi une source de savoir. Je n’utilise plus les produits de la même manière après avoir appris à leurs côtés.  

Comme vous l’avez dit plus tôt, les démarches engagées sont plus rares en pâtisserie qu’en cuisine. Connaissez-vous d’autres chefs pâtissiers soucieux de l’origine des produits agricoles et avec lesquels vous pouvez échanger à ce sujet ?  

Claire Heitzler : Il y a de nombreux chefs pâtissiers à la démarche responsable et je m’en réjouis. Claire Damon,  « Des Gâteaux et du Pain à Paris », est très soucieuse de la qualité des produits qu’elle utilise. Jean-François Foucher, lui, a son propre verger, et travaille même les légumes en pâtisseries lorsque les fruits se font rares l’hiver.

Mais ce qui est encore plus inspirant c’est de voir comment les mentalités évoluent. La jeune génération de pâtissiers qui arrive est beaucoup plus soucieuse de l’environnement et du sourcing de produits agricoles. Je m’en rends compte même au sein de mon équipe. Je trouve cela très encourageant pour la pâtisserie de demain.

Quelles sont les valeurs que vous souhaitez partager à travers vos créations ?

Claire Heitzler : Le partage et la sincérité. Quand je parle de mes pâtisseries j’en souris parce que ça me fait plaisir. C’est vraiment le côté humain et respectueux que je veux mettre en avant dans mes pâtisseries, ce n’est absolument pas une démonstration technique, ce n’est pas moi, j’aime la sincérité tout en étant exigeante.