Pour travailler dans le luxe, il faut le comprendre

Antoinette, vous êtes membre du Jury des Talents du Luxe et de la Création depuis 2022, et vous interviendrez le 19 juin prochain au Sommet sur la transmission du luxe aux côtés de Millie Aoki de la Valette, Head of Creative Talents Acquisition chez Louis Vuitton, sur le thème du recrutement dans les maisons de luxe. Vous avez fondé Lemens & Partners, un cabinet de recrutement qui accompagne aussi bien des maisons de luxe que des entreprises de secteurs variés comme l’automobile, l’agroalimentaire, le sport ou encore le retail. Qu’est-ce qui distingue le recrutement dans l’univers du luxe ? 

La différence essentielle, c’est la compréhension authentique du luxe. Ce secteur requiert une sensibilité particulière, presque intuitive, qui dépasse les compétences techniques. Comprendre le luxe, c’est saisir ce que recherche une clientèle exigeante, capter les signaux faibles d’une société en mutation, tout en respectant l’héritage et l’identité de la marque. Pour travailler dans le luxe, il ne suffit pas d’en admirer les codes, il faut les incarner. 

Recruter un talent issu du luxe pour un poste dans la grande consommation se fait assez naturellement. L’inverse, en revanche, est plus complexe : un candidat venant d’un autre secteur doit prouver sa passion et sa capacité à intégrer les subtilités de l’univers du luxe. 

On parle souvent d’une exigence croissante en matière de savoir-faire et de savoir-être, que ce soit dans le luxe ou ailleurs. Pour quels métiers recrutez- vous principalement dans ce secteur ? Observez-vous des évolutions récentes ou des spécificités selon les pays ? 

Depuis quinze ans, j’interviens sur tous les métiers du luxe, avec une expertise particulière dans les fonctions créatives. Je recrute notamment des designers pour la maroquinerie, les arts de la table, le packaging de parfums… mais aussi pour l’automobile de luxe. Je connais personnellement beaucoup de créatifs, avec des seniorités variés que ce soit des jeunes talents, sortis d’école à des postes de Direction Artistique au sein de grande maison de luxe. 

Les outils des créateurs ont énormément évolué, notamment avec l’arrivée de l’IA. Cela entraîne la disparition de certains métiers d’exécution, mais aussi l’émergence de nouveaux rôles. 

Concernant les différences internationales, les pays anglo-saxons ont une longueur d’avance sur le design de marque. Ce n’est pas anodin : le mot « design » vient de leur culture. La France et l’Italie sont historiquement fortes sur le design produit, en particulier dans le luxe. En tant qu’anglaise, je dis souvent que les grandes tendances viennent souvent du Royaume-Uni car ils osent casser les codes – pensons à l’invention de la mini-jupe de Mary Quant. Mais c’est en France que ces innovations prennent de l’ampleur, car la France a cette capacité unique à rendre la mode élégante. L’Angleterre est souvent le pays de l’audace, la France celui de l’élégance et de la diffusion. Bien sûr, cette vision n’est pas absolue, mais elle se vérifie souvent.  

Vous organisez également des retails tours pour des entreprises du luxe. 

Comment détectez-vous les tendances créatives ? 

J’ai toujours été fascinée par les tendances, et mon travail de recrutement m’a permis d’acquérir une connaissance fine des créatifs dans le monde entier. Avec mes équipes basées à Londres, je mène une veille constante pour repérer les talents émergents. 

Un jour, lors d’une conférence, j’ai présenté une cartographie des lieux et entreprises les plus créatifs au monde. À la suite de cela, plusieurs entreprises m’ont sollicitée pour organiser des visites de ces lieux. C’est ainsi qu’est né un département dédié aux retails tours, que je développe depuis maintenant dix ans. C’est un véritable plaisir de faire découvrir à mes clients les lieux les plus inspirants et avant-gardistes du secteur. 

2025-05-09T16:47:00+02:00
Aller en haut