Au fil de nos travaux à travers le Sommet, les Talents ou le Cercle du Luxe et de la Création, le constat est toujours le même : la création et les savoir-faire sont des biens transversaux qui favorisent l’investissement dans les industries du luxe et en assurent la prospérité.
En un mot c’est un capital aussi, si ce n’est plus indispensable que le capital financier dont il est l’instrument de rentabilité essentiel.
Animé par l’inspiration artistique, adossé aux métiers d’art et stimulé par l’activité des ateliers et maisons de luxe, ce capital constitue un bien commun au confluent des arts, de l’industrie et du désir.
C’est dans cet esprit que nous avons créé les Talents du Luxe dont les nominés viennent d’être désignés par le Jury, en attendant l’élection des Lauréats qui seront distingués lors de la Cérémonie de remise des Talents le 19 Juin 2025.
Mais il faudrait aller plus loin pour consolider le maillage des Talents en favorisant la fertilité industrielle des activités de luxe de la France et plus largement de l’Europe, à un moment crucial où les marchés sont déstabilisés par la politique américaine d’alourdissement des droits de douane. Les voies d’évolution sont diverses et entrainent des conséquences difficilement mesurables. Qu’il s’agisse d’accords de libre-échange dont je n’imagine pas l’attrait pour le gouvernement américain, même si Bernard Arnault plaide en leur faveur. Ou plus probablement l’émergence d’un protectionnisme d’intensité variable face à des économies prédatrices. En fait le moment est venu d’imaginer des voies nouvelles porteuses d’avenir.
C’est pourquoi, je propose qu’au même titre que Colbert créa en 1666 l’Académie de France à Rome, qui fut logée à la Villa Medicis en 1803 pour les arts classiques, la peinture, la sculpture, la gravure, l’architecture … la France soit à l’initiative d’une villa Médicis du Luxe qui aurait la particularité d’associer créateurs, scientifiques et industriels dans les différents domaines qui irriguent la planète Luxe : un lieu d’échanges, d’apprentissage et de valorisation pour faire scintiller ce capital créatif et renforcer de ce fait le maillage industriel.
Car la création et les savoir-faire sont dans le domaine du luxe, comme je l’indiquais au début de mon propos, de fantastiques accélérateurs d’influence, en même temps qu’un immense réservoir de richesse industrielle, d’emplois et d’exemplarité sociétale par les choix RSE que privilégient largement les entreprises de luxe.
Et c’est à la France, fille ainée du luxe par le potentiel créatif et le maillage industriel, d’en être le promoteur en un lieu emblématique au sein de nos régions qui sont les écrins souvent méconnus de métiers séculaires. Métiers qui reflètent une aptitude extraordinaire à l’universalisme et à la vitalité de nos racines.
Un lieu où viendraient enseigner des créateurs et maîtres d’art du monde entier. Un lieu de rayonnement où se tiendraient des expositions valorisant les savoir-faire des pensionnaires, mais aussi un lieu de recherche ouvert aux technologies de pointe. Et par-dessus tout un laboratoire favorisant la consolidation de notre trame industrielle par l’association avec des investisseurs à un moment où la désindustrialisation affecte le tissu économique de notre pays.
Un lieu ouvert aux institutions publiques et aux acteurs privés, parrainé et soutenu par l’Union européenne, des Etats membres, des Maisons de luxe, des ateliers et des sous-traitants selon des formules qui permettraient à tous ceux qui font partie de l’écosystème du luxe et de la création de s’investir collectivement.
Ce serait une manière nouvelle de faire avancer une Europe des projets au-delà d’une approche règlementaire souvent critiquée à juste titre pour donner ses lettres de noblesse à une Europe de la création et des savoir-faire qui pourrait ainsi valoriser son patrimoine culturel et sa richesse industrielle par un phénomène d’attraction qui consoliderait sa place civilisationnelle.
C’est la suite logique des Talents du Luxe, un trait d’union entre les différentes Institutions européennes, telles Homo Faber à Venise ou les Manufactures nationales Sèvres & Mobilier national et c’est un projet immense et généreux dont la pertinence est liée à l’exigence de transmission et de valorisation des atouts dont l’histoire nous a dotés.
Cela fait partie des défis à relever car en ces périodes de crises et d’incertitudes, il faut savoir attacher l’avenir à des mouvements ascendants promus par des idées nouvelles.
Jacques Carles
Président